• Né le 22 Mai 1813, Richard Wagner, Taureau ascendant Gémeaux

     

    Richard Wagner (22 mai 1813 - 13 février 1883) est un compositeur allemand du XIXe siècle ainsi qu'un important théoricien de la musique. On le connaît surtout pour ses opéras dont les principaux sont en réalité des drames lyriques. L'influence de Wagner sur la musique occidentale, et en particulier dans l'univers de l'opéra qu'il a révolutionné, est immense.
    La jeunesse
    Richard Wagner est né à Leipzig le 22 mai 1813. Son père, petit fonctionnaire municipal, mourut six mois après sa naissance. Au mois d'août de l'année 1814, sa mère épousa l'acteur Ludwig Geyer qui pourrait bien être le véritable père de Wagner. Geyer mourut quelques années plus tard, non sans avoir transmis au jeune Richard sa passion pour le théâtre.

    Ce dernier nourrit d'abord l'ambition de devenir dramaturge, puis, vers l'âge de quinze ans, découvrit la musique qu'il décida d'étudier en s'inscrivant à l'université de Leipzig (1831). Parmi les compositeurs qui ont exercé sur lui une influence notable, on peut citer Ludwig van Beethoven.



    En 1833, Wagner avait achevé l'un de ses premiers opéras, Les Fées. Cette œuvre, qui imitait nettement le style de Weber, ne sera pas jouée pendant plus d'un demi-siècle. À la même époque, il réussit à décrocher successivement les postes de directeur musical aux opéras de Wurtzbourg et de Magdebourg, ce qui le sortit de quelques ennuis pécuniaires. C'est à cette époque que Wagner écrivit La Défense d'aimer (Das Liebesverbot), opéra inspiré d'une pièce de William Shakespeare (Mesure pour mesure). La création eut lieu en 1836, mais l'œuvre fut accueillie avec peu d'enthousiasme.

    Un peu plus tard, en 1836, Wagner épousa l'actrice Minna Planer. Le couple emménagea alors à Königsberg puis à Rīga, où Wagner occupa le poste de directeur musical. Après quelques semaines, Minna le quitta pour un autre qui la laissa sans le sou. Bien que Wagner acceptât son retour, ce fut le signe annonciateur de la progressive décadence de leur mariage qui se termina dans la souffrance, trente années plus tard.

    Avant même 1839, le couple était criblé de dettes et dut fuir Riga pour échapper à ses créanciers (les ennuis d'argent devaient tourmenter Wagner le restant de ses jours). Pendant leur fuite à Londres, ils furent pris dans une tempête qui inspira à Wagner Le Vaisseau fantôme. Le couple vécut également quelques années à Paris où Richard gagnait sa vie en réorchestrant les opéras d'autres compositeurs.


    Dresde
    En 1840, Wagner mit la dernière main à son opéra Rienzi. Il retourna en Allemagne deux ans plus tard pour le faire jouer à Dresde, où il rencontra un succès considérable. Wagner s'installa dans cette ville où il vécut six ans, exerçant avec brio la charge de chef d'orchestre du grand théâtre. Pendant cette période, il composa et mit en scène Le Vaisseau fantôme et Tannhäuser, ses premiers chefs-d'œuvre.

    Le séjour des Wagner à Dresde dut prendre fin en raison de l'engagement de Richard dans les milieux anarchistes. Dans les États allemands indépendants de l'époque, un mouvement nationaliste commençait à faire entendre sa voix, réclamant davantage de libertés ainsi que l'unification de la nation allemande. Wagner, qui mettait beaucoup d'enthousiasme dans son engagement, recevait fréquemment chez lui des anarchistes, tels que le Russe Bakounine.

    Le mécontentement populaire contre le gouvernement saxon, largement répandu, parvint à ébullition en avril 1849, quand le roi Frédéric-Auguste II de Saxe décida de dissoudre le Parlement et de rejeter la nouvelle constitution que le peuple lui présentait. En mai, une insurrection — vaguement soutenue par Wagner — éclata. La révolution naissante fut rapidement écrasée par les troupes saxonnes et prussiennes et des mandats d'arrêt furent délivrés contre les révolutionnaires. Wagner fut forcé de fuir, d'abord à Paris, puis à Zurich. Bakounine ne parvint pas à s'échapper et fut emprisonné pour de nombreuses années.

     



    Exil et influences conjuguées de Schopenhauer et Mathilde Wesendonck
    C'est en exil que Wagner passa les douze années suivantes. Ayant achevé Lohengrin avant l'insurrection de Dresde, il sollicita son ami Franz Liszt, le priant de veiller à ce que cet opéra fût joué en son absence. Liszt, en bon ami, dirigea lui-même la première à Weimar, en août 1850.

    Wagner se trouvait néanmoins dans une situation très précaire, à l'écart du monde musical allemand, sans revenu et avec fort peu d'espoir de pouvoir faire représenter les œuvres qu'il élaborait. Sa femme Minna, qui avait peu apprécié ses derniers opéras, s'enfonçait peu à peu dans une profonde dépression. Pour couronner le tout, Wagner fut lui-même atteint d'érysipèle, ce qui accrut encore la difficulté de son travail.

    Pendant les premières années qu'il passa à Zurich, Wagner produisit un ensemble de remarquables essais (L'œuvre d'art de l'avenir, Opéra et drame) ainsi qu'un ouvrage antisémite, Le judaïsme dans la musique. Avec L'œuvre d'art de l'avenir (1849), il présente une nouvelle conception de l'opéra, la « Gesamtkunstwerk » ou « œuvre d'art totale », dans laquelle la musique, le chant, la danse, la poésie, le théâtre et les arts plastiques sont mêlés de façon indissociable.

    Au cours des années qui suivirent, Wagner tomba sur deux sources d'inspiration indépendantes qui allaient le mener à son opéra révéré entre tous, Tristan et Isolde.

     



    La première fut la découverte de la philosophie d'Arthur Schopenhauer. Wagner prétendra plus tard que cette expérience fut le moment le plus important de sa vie. La philosophie de Schopenhauer, axée sur une vision pessimiste de la condition humaine, fut très vite adoptée par Richard Wagner, ses difficultés personnelles n'étant vraisemblablement pas étrangères à cette adhésion. Il restera toute sa vie un fervent partisan de Schopenhauer, même quand sa situation personnelle sera moins critique.

    Selon Schopenhauer, la musique joue un rôle central parmi les arts car elle est le seul d'entre eux qui n'ait pas trait au monde matériel. Cette opinion trouva un écho en Wagner qui l'adopta très vite, malgré l'incompatibilité apparente avec ses propres idées selon lesquelles c'est la musique qui est au service du drame. Quoi qu'il en soit, de nombreux aspects de la doctrine de Schopenhauer transparaîtront dans ses livrets ultérieurs : Hans Sachs, le poète cordonnier des Maîtres Chanteurs, est une création typiquement schopenhauerienne.

     



    La seconde source d'inspiration de Wagner fut le poète et écrivain Mathilde Wesendonck, la femme du riche commerçant Otto von Wesendonck. Il rencontra le couple à Zurich en 1852. Otto, grand admirateur de Wagner, mit à sa disposition une petite maison de sa propriété. Au bout de quelques années, Wagner s'était épris de Mathilde. Bien que ses sentiments fussent réciproques, Mathilde n'avait nullement l'intention de compromettre son mariage. Aussi tenait-elle son mari informé de ses contacts avec Wagner. Néanmoins, on ne saura jamais si cette liaison resta platonique ou eut une ou deux fois un début de concrétisation. Wagner n'en laissa pas moins de côté, brusquement, la composition de la Tétralogie – qu'il ne reprendra que douze ans plus tard – pour commencer à travailler sur Tristan et Isolde, œuvre issue d'une crise psychosomatique déclenchée par cet amour non réalisable, et correspondant à la perfection au modèle romantique de l'œuvre inspirée par les sentiments contrariés. Du reste, deux des ravissants Wesendonck-Lieder, “Traüme” et “Im Treihaus”, composés sur les poèmes de Mathilde, seront repris, étoffés, dans Tristan : “Traüme” donnera “Descend sur nous nuit d'extase” et “Im Treibhaus” l'inquiétant prélude du troisième acte et ses sombres accords confiés aux violoncelles et contrebasse.

    En 1858, Minna intercepta une lettre de Wagner à Mathilde. Wagner, après la confrontation qui s'ensuivit, quitta Zurich pour Venise. Il retourna à Paris l'année suivante afin de superviser la mise en scène d'une adaptation de Tannhäuser dont la création, en 1861, provoqua un scandale. Les représentations à venir furent alors annulées et Wagner quitta la ville précipitamment.

    Quand il put enfin retourner en Allemagne, il s'installa à Biebrich, en Prusse, où il commença à travailler sur Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Cet opéra est de loin son œuvre la plus joyeuse. Sa seconde femme Cosima écrira plus tard : « Puissent les générations futures, en cherchant du rafraîchissement dans cette œuvre unique, avoir une petite pensée pour les larmes qui ont mené à ces sourires ! ». En 1862, Wagner se sépara finalement de Minna, mais il continuera de la soutenir financièrement jusqu'à sa mort en 1866 (ou du moins ses créanciers le feront-ils).


    Sous le patronage du roi Louis II de Bavière
    La carrière de Wagner prit un virage spectaculaire en 1864, lorsque le roi Louis II accéda au trône de Bavière à l'âge de 18 ans. Le jeune roi, qui admirait les opéras de Wagner depuis son enfance, fit venir le compositeur à Munich, régla ses considérables dettes et s'arrangea pour que son nouvel opéra puisse être représenté. Malgré les énormes difficultés rencontrées lors des répétitions, la création de Tristan et Isolde le 10 juin 1865 fut un succès retentissant.

    Pendant ce temps, Wagner se trouvait mêlé à une nouvelle affaire qui concernait sa liaison avec Cosima von Bülow. Celle-ci était la femme d'un fervent partisan de Wagner : Hans von Bülow, le chef d'orchestre qui avait dirigé la création de Tristan. Fille de Franz Liszt et de la célèbre comtesse Marie d'Agoult, elle était de vingt-quatre ans la cadette de Wagner. En avril 1865, elle accoucha d'une fille illégitime qui fut prénommée Isolde. La nouvelle s'ébruita rapidement et scandalisa tout Munich. Pour ne rien arranger, Wagner était tombé en disgrâce parmi les membres de la Cour qui le soupçonnaient d'influencer le jeune roi. En décembre 1865, Louis II fut contraint de demander au compositeur de quitter Munich. Il aurait caressé un instant l'idée d'abdiquer son pouvoir pour suivre son héros en exil, mais Wagner l'en aurait rapidement dissuadé.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Celui-ci s'installa alors à Tribschen, près de Lucerne, sur les bords du lac des Quatre Cantons. Son opéra Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg fut terminé en 1867 et créé à Munich le 21 juin de l'année suivante. En octobre, Cosima réussit finalement à convaincre son mari d'accepter le divorce. Le 25 août 1870, elle épousa Wagner qui, quelques mois plus tard, lui offrit l’Idylle de Siegfried à l'occasion de son anniversaire.

    Ce mariage dura jusqu'à la mort du compositeur. Ils eurent une autre fille, Eva, et un fils prénommé Siegfried.


    Bayreuth
    Une fois installé dans sa nouvelle vie de famille, Wagner mit toute son énergie à terminer la Tétralogie. Devant l'insistance de Louis II, on donna à Munich des avant-premières de L'Or du Rhin et de La Walkyrie, mais Wagner tenait quant à lui à ce que le cycle complet fût représenté dans un opéra spécialement conçu à cet effet.

    En 1871, il choisit la petite ville de Bayreuth pour accueillir sa nouvelle salle d'opéra. Les Wagner s'y rendirent l'année suivante : on posa la première pierre du Festspielhaus (Palais des festivals). Afin de rassembler les fonds pour la construction, le compositeur entreprit une tournée de concerts à travers l'Allemagne, et diverses associations de soutien furent créées dans plusieurs villes. Il fallut cependant attendre une donation du roi Louis II, en 1874, pour que l'argent nécessaire fût enfin rassemblé. Un peu plus tard dans l'année, les Wagner emménagèrent à Bayreuth dans une villa que Richard surnomma « Wahnfried ».

    Le Festspielhaus ouvrit ses portes au mois d'août 1876 à l'occasion de la création de L'Anneau du Nibelung. D'illustres invités l'honorèrent de leur présence : citons notamment l'empereur Guillaume II, l'empereur Pierre II du Brésil, le roi Louis – qui resta incognito –, ainsi que des compositeurs aussi accomplis qu'Anton Bruckner, Edvard Grieg, Piotr Ilitch Tchaïkovski, ou Franz Liszt.

    D'un point de vue artistique, ce festival fut un succès remarquable. Tchaïkovski, qui y avait assisté en tant que correspondant russe, écrivit : « Ce qui s'est passé à Bayreuth restera dans la mémoire de nos petits-enfants et de leur descendance ». Financièrement, ce fut cependant un désastre absolu. Wagner dut renoncer à organiser un second festival l'année suivante et tenta de réduire le déficit en donnant une série de concerts à Londres.


    Les dernières années
    En 1877, Wagner s'attela à son dernier opéra, Parsifal. La composition lui en prit quatre ans, durant lesquels il écrivit également une série d'essais réactionnaires sur la religion et l'art.

    Il mit la dernière main à Parsifal en janvier 1882, et le fit représenter lors du second Festival de Bayreuth. Pendant l'acte III de la seizième et dernière représentation, le 29 août, le chef Hermann Levi fut victime d'une indisposition. Wagner entra discrètement dans la fosse d'orchestre, prit la baguette et dirigea l'œuvre jusqu'à son terme.

    À cette époque, Wagner était gravement malade. Après le festival, la famille Wagner voyagea à Venise pour l'hiver. Le 13 février 1883, Richard fut emporté par une crise cardiaque. Son corps fut rapatrié et inhumé dans le jardin de Wahnfried.

    L'éditeur exclusif de Wagner est la maison Schott à Mayence.


    Style et apports de Wagner
    L'on ne comprend rien à Wagner si l'on ignore qu'il eût voulu, dans sa jeunesse, être Shakespeare et non pas Beethoven. C'était un dramaturge né, qui n'a jamais su créer autre chose que du théâtre. Wagner était l'auteur de ses livrets d'opéra, cas fort rare dans l'histoire de la musique de scène. En tant que poète il avait un talent évident, que seul le lecteur francophone familier de l'allemand peut apprécier à sa juste valeur. La poésie est un art qui ne pardonne pas et ne souffre aucune forme « moyenne ». Wagner a donc pris un risque important en écrivant lui-même ses livrets d'opéra, pari réussi tant au niveau de la forme que du fond, performance qu'il convient de saluer : le double génie (Victor Hugo peintre, Hoffmann compositeur littérateur, etc.) étant assez exceptionnel.

    Richard Wagner a entièrement transformé la conception de l'opéra à partir de 1850, le concevant non plus comme un divertissement, mais comme une dramaturgie sacrée. Les quatre opéras de L'Anneau du Nibelung illustrent cette réforme wagnérienne à la perfection. Dans la Tétralogie, chaque personnage (l'Anneau y compris) est associé à un thème musical autonome dont les variations indiquent dans quel climat psychologique ce personnage évolue : c'est le fameux « leitmotiv » (en allemand : motif conducteur), procédé préexistant que Wagner a poussé aux limites ultimes de la dramaturgie sonore. Ainsi lorsque Wotan évoque l'Anneau, les thèmes musicaux associés se mêlent en une nouvelle variation. On peut y voir une manifestation de « l'art total » au travers d'une musique reflétant à la fois les personnages et leurs sentiments, tout en soutenant le chant et soulignant l'action scénique.

    Mais l'apport de Richard Wagner à la musique sur le plan technique (harmonie et contrepoint) est tout aussi considérable, sinon plus encore. C'est principalement dans son œuvre la plus déterminante à cet égard, à savoir Tristan et Isolde, que Wagner innove de manière radicale. Conçu dans des circonstances psychologiques très particulières, plus rapidement que les autres opéras, Tristan constitue une singularité, et aussi une charnière tant dans l'œuvre de Wagner que dans l'histoire de l'harmonie et du contrepoint.

    Certes, comme le dit Wilhelm Furtwängler, il n'est pas dans Tristan un seul accord qui ne puisse être analysé tonalement, et cela a été démontré de manière irréfutable par le musicologue français Jacques Chailley dans une très précise et très fouillée analyse du fameux “Prélude”, où tous les accords et modulations sont ramenés, une fois éliminées les notes de passage, les appogiatures, les échappées et autres broderies, à des enchaînements harmoniques parfaitement répertoriés. Il s'agissait il est vrai pour Chailley de faire un sort aux analyses qu'il trouvait tendancieuses de Arnold Schoenberg et plus tard Boulez sur lesquelles nous reviendrons, mais il n'en reste pas moins que sa démonstration, partition à l'appui, est irréfutable.

    Cela ne retire rien au génie de Wagner, bien au contraire, puisqu'il a su justement faire du neuf avec du vieux : si presque tous ses accords, dont le célèbrissime accord de neuvième sans fondamentale (que l'on peut aussi analyser comme une septième d'espèce), dit « accord de Tristan » qui intervient dans les premières mesures du “Prélude” peut se retrouver dans les chorals de Bach ou même chez Mozart, son emploi de manière isolée et expressive est une nouveauté géniale.

    Mais ce n'est pas là la plus grande audace harmonique de Wagner, qui va bien plus loin avec des formules moins connues (résolution d'une neuvième mineure par sa forme majeure, appogiature de neuvième mineure formant dissonance avec la tierce, très utilisée en jazz, emploi simultané d'appogiatures, broderies et autres notes étrangères amenant aux limites de l'analyse de l'accord réel, etc.).

    Par ailleurs, et contrairement à une idée reçue, ce qui frappe nettement à l'analyse de Tristan est l'influence évidente de Bach, et particulièrement du Bach de L'Art de la fugue dont l'étude attentive se voit clairement dans les formules contrapuntiques et les enchaînements harmoniques du “Prélude du Ier Acte” de Tristan. Bach attaque dans le “Contrapunctus IV” une neuvième mineure sans préparation (“Contrapunctus IV”, mesure 79) cent ans avant Tristan, une audace de Bach parmi d'autres dont Wagner ne pouvait que se souvenir. Wagner a certes, apparemment, peu pratiqué la fugue, mais en réalité les entrées fuguées, camouflées ou non, sont innombrables dans Tristan, et permettent de plus grandes audaces harmoniques encore que les agrégations harmoniques « inédites ».

    Wagner est également réputé avoir innové de façon décisive sur le plan de l'orchestration, ce qui n'est pas aussi vrai qu'il n'y paraît : c'est en fait son génie proprement musical qui fait vibrer l'orchestre tel que Beethoven le laisse à la fin de sa vie (IXe Symphonie et Missa Solemnis) d'une sonorité jamais entendue jusqu'alors. Bizarrement, Wagner doit presque toutes ses formules à Gluck, à Beethoven et à Weber, l'ensemble sonnant pourtant… comme du Wagner. Wagner étire en effet des accords sur lesquels ses devanciers ne restent que deux notes, il utilise massivement des combinaisons que Beethoven n'a fait qu'employer une ou deux fois, son emploi des redoublements voire triplements de timbre qu'il reprend de Gluck et même de Haydn devient systématique, avec l'effet « magique » bien connu qui souvent se révèle, à la lecture de la partition, obtenu avec une étonnante économie de moyens.

    Wagner était, il faut l'avoir constamment à l'esprit, un autodidacte qui a toute sa vie acquis du métier en innovant. Comme tous les autodidactes efficaces, il a su être très conventionnel à ses débuts afin d'apprendre les ficelles de son art et faire éclore son génie. On a été jusqu'à affirmer que le génie de Wagner venait de ses lacunes même. Et de fait, Wagner n'a jamais réussi à créer de musique de chambre ou de musique instrumentale : ses essais dans ces domaines se sont soldés par de piètres résultats. Seul un motif scénique l'inspirait. Et pourtant, paradoxalement, transcrites pour piano seul ou petit ensemble, ses pages symphoniques de scènes conservent intacte leur magie : mystère insondable de tous les créateurs…

    On ne peut négliger ce qui fait encore une spécificité de Wagner, à savoir l'influence considérable qu'il a eue sur ses successeurs, et notamment le plus illustre, Arnold Schoenberg. Schoenberg, par son génie même, est sans doute le responsable d'un grand malentendu. Seul Schoenberg a su à ses début pasticher, ou plutôt continuer Wagner, avec un niveau égal de qualité. La poignante Nuit Transfigurée, les monumentaux Gurre-Lieder et le génial poème symphonique (dévalué de manière contestable par René Leibowitz) Pelleas und Melisande sont les seuls véritables exemples de continuation, non de Wagner, mais des techniques inventées par lui dans Tristan, avec un génie équivalent à celui du maître. Schoenberg en a déduit qu'une tendance évolutive était à l'œuvre dans l'harmonie moderne, et c'est bien Schoenberg qui a cru pouvoir faire progresser une tradition musicale exclusivement germanique, de Wagner vers son système, l'atonalisme et la composition avec douze sons.


    Opéras
    Les opéras de Wagner constituent son principal testament. On peut schématiquement les séparer en trois groupes :

    Les Fées (Die Feen), La Défense d'aimer (Das Liebesverbot) et Rienzi sont les opéras de jeunesse. Ces œuvres n'ont rien de particulièrement remarquable et sont rarement jouées de nos jours.

    Avec Le Vaisseau fantôme (Der fliegende Holländer), puis Tannhäuser et Lohengrin, Wagner écrit ses premiers grands opéras romantiques.

    La période de la maturité débute avec la composition de Tristan et Isolde (Tristan und Isolde), souvent considéré comme son chef-d'œuvre. Viennent ensuite Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Die Meistersinger von Nürnberg) et L'Anneau du Nibelung (Der Ring des Nibelungen). L'Anneau du Nibelung, également appelé Tétralogie, est un ensemble de quatre opéras inspirés des mythologies allemandes et scandinaves. Le dernier opéra de Wagner, Parsifal, est une œuvre contemplative tirée de la légende chrétienne du saint Graal.

    À travers ses œuvres et ses essais théoriques, Wagner exerça une grande influence dans l'univers de la musique lyrique. Mariant le théâtre et la musique pour créer le « drame musical », il se fit le défenseur d'une conception nouvelle de l'opéra, dans laquelle l'orchestre occupe une place au moins aussi importante que celle des chanteurs. L'expressivité de l'orchestre est accrue par l'emploi de leitmotivs (petits thèmes musicaux d'une grande puissance dramatique qui évoquent un personnage, un élément de l'intrigue, un sentiment...), dont l'évolution et l'enchevêtrement complexe éclairent la progression du drame avec une richesse infinie.

    Contrairement à presque tous les autres compositeurs d'opéras, Wagner écrivait lui-même ses livrets, empruntant la plupart de ses arguments à des légendes et mythologies européennes, le plus souvent germaniques. Ses œuvres acquièrent de ce fait une unité profonde.

     

     

    Richard Wagner réécrit l’histoire, la sienne

     

     

    le 22 août 2013

    « Pourquoi voulez-vous que j’écrive mes mémoires, je n’ai rien à cacher… ». Je ne sais plus de quel homme politique est cette répartie, mais j’y repensais en découvrant de Ma vie (528 pages, 8 euros, Folio) de Richard Wagner. Si cette nouvelle édition n’avait pas été aussi parfaitement ficelée par Jean-François Candoni, je ne m’y serais peut-être pas risqué. Il arrive parfois qu’avec certains livres, on sente à l’avance la nécessité de garde-fous. Un appareil critique, une bibliographie, des notes érudites mais pas trop. Tout y est. J’avais souvenir d’une ancienne édition compulsée à la vieille bibliothèque nationale, dont les spécialistes disaient que la traduction de Noémi Valentin et Albert Schenk , datant de 1911, était lacunaire, fantaisiste, et qu’elle n’en faisait qu’à sa tête, coupant des paragraphes entiers, en réécrivant d’autres. M. Candoni, expert en wagnérisme et bon connaisseur du romantisme allemand, a revu tout cela (encore que « Charles-Marie de Weber », c’était savoureux). Il a coiffé le tout d’une préface substantielle et savante mais sensible qui donne vraiment envie d’y aller voir.

     

    Curieuse tout de même, cette manière de raconter sa vie. C’est même le principal intérêt de ce récit. Bien sûr, il y a le témoignage sur le siècle culturel et artistique d’un point de vue allemand, et même franco-allemand car une bonne partie est consacrée à l’expérience française de Wagner. Mais pour le reste, c’est un cas d’école par le modèle narratif qu’il propose, à mi-chemin entre chronique historique, fiction poétique et autobiographie traditionnelle, qui n’hésite pas à emprunter au mythe et aux grands récits épiques, toutes choses concourant à la rédemption du compositeur qui se considérait mal aimé. Mais pas par Mallarmé :

     

    « Singulier défi qu’aux poètes dont il usurpe le devoir avec la plus candide et splendide bravoure, inflige Richard Wagner ! »

     

    Cela dit, le mémorialiste décolle rarement de son récit chronologique assez monocorde ; on y chercherait en vain un recul et un surplomb sur l’époque, un peu de hauteur pour des réflexions sur les hommes ou les événements, quelque chose de l’ordre d’un jugement moral sur l’Histoire au moment où il la vit. On sait que Wagner voulait tout contrôler de la réception de son œuvre, jusqu’à son écho pour la postérité. La communication l’obsédait. Le terme revient souvent sous sa plume. C’est bien dans cet esprit qu’il faut lire sa version de sa vie, qui ne coïncide pas sur bien des aspects avec celles qu’en donnèrent ses biographes Martin Gregor-Dellin et Ernest Newman, pour ne rien dire des portraits qu’en ont laissé Nietzsche, Thomas Mann ou même de l’essai savant d’Adorno, sans oublier le plus subjectif et le plus perspicace, celui d’André Suarès. De l’avis de l’éditeur de cette nouvelle édition, il n’y a pas d’erreurs grossières ou de fautes dans les dates. Ce qui serait véniel. L’essentiel est ailleurs : dans la présentation et l’interprétation de faits établis. Sur Spontini auquel il consacre de belles pages. Sur la révolution telle qu’il l’a vécue à Dresde entre barricades et combats de rue, avec la Marseillaise perçue dans le brouillard et Bakounine en vedette. Sur sa découverte de la mythologie scandinave. Sur ses séjours à Londres et Venise. Sur le scandale de la représentation de Tannhaüser à l’Opéra de Paris et la francophobie qu’il entraînera dans les milieux musicaux allemands. Sur le reproche de dilettantisme qui lui fut souvent adressé, alors qu’il s’agissait de l’éclectisme d’un homme curieux de tous les arts et qui ne voulait s’en interdire aucun : compositeur bien sûr, mais aussi écrivain, dramaturge, chef d’orchestre…. Ou sur son antisémitisme tel qu’il se manifeste non dans son œuvre musicale, mais dans ses propres livres tel Le judaïsme dans la musique (1850). Il en veut à Meyerbeer et Mendelssohn de réussir mieux et plus rapidement que lui, de voir leur musique acclamée, parce que, selon lui, ils sont à l’abri du besoin et des humiliations qu’il entraîne, oubliant au passage ce que le premier des deux avait fait pour lui. En fait, si on veut le suivre dans sa « logique », il faut s’armer de Sur la Question juive 1843 de Marx. « Ils » y sont assimilés à l’argent, la banque, la finance prédateurs. Wagner, qui en tirait l’idée que le phénomène était responsable de la marchandisation de l’opéra dans le goût du public, y a rajouté sa haine des journalistes en général tant il était persuadé que tous les journalistes hostiles à sa musique étaient nécessairement juifs. Cela dit, il ne voulait pas les tuer : juste les convertir pour les rédimer…

     

    Sa mémoire court de sa naissance (chapeau !) en 1813 jusqu’au moment où Louis II de Bavière en fait son protégé en 1864,  le jour même où meurt Meyerbeer. Dès lors, pour répondre à la commande de son mécène, il commence à dicter Ma vie à Cosima et ne s’arrêtera qu’en 1880, trois ans avant sa mort à Venise. Entre temps il aura créé Tristan et Isolde, Les Maîtres-Chanteurs, la Walkyrie, l’Anneau du Nibelung, Parsifal. C’est dire tout ce qui n’est pas dans ce livre, hélas, même si tout religionnaire et processionnaire du Festspielhaus de Bayreuth  en fera son livre de chevet. La suite eut été plus intéressante : les rencontres décisives avec Louis II et Nietzsche, la création du festival de Bayreuth, et les opéras écrits entretemps…. Au fond, Cosima Wagner a écrit la suite à sa façon dans son Journal. Ce n’est pas que sa mémoire ne soit pas à son avantage. Mais à force de faire état des persécutions et des intrigues dont il s’estime la cible, il donne au lecteur des verges pour se faire battre. Le manuscrit original connut bien des tribulations. Mary Burrell, une riche collectionneuse anglaise groupie de Wagner au point de réunir absolument tout ce qui le concernait, s’était vue proposer la chose. Et savez-vous pourquoi elle ne l’a pas acquise ? Parce qu’elle était convaincue qu’il s’agissait d’un faux probablement rédigé par des ennemis de son idole…

     

    Cette entrée a été publiée dans Musique.

     

    Né le 22 Mai 1813, Richard Wagner, Taureau ascendant Gémeaux

    Né le :22 mai 1813 à 04h11à :Leipzig (Allemagne)Soleil :0°35' GémeauxLune :16°11' VerseauAscendant :2°22' GémeauxMilieu du Ciel :0°01' VerseauNumérologie :chemin de vie 22

    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :