• Né le 5 juin 1898, Federico García Lorca, Gémeaux ascendant Poissons, Lune en Sagittaire

     

    Né le 5 juin 1898, Federico García Lorca, Gémeaux ascendant Poissons, Lune en Sagittaire

    Federico Garcia Lorca

     

    paroles
    Chanson composée et interprétée par Jean Ferrat en hommage à Federico Garcia Lorca, poète (mais également peintre et musicien) espagnol né en 1898 et fusillé à Grenade en 1936.

     

     

    Les guitares jouent des sérénades
    Que j'entends sonner comme un tocsin
    Mais jamais je n'atteindrai Grenade
    "Bien que j'en sache le chemin"

    Dans ta voix
    Galopaient des cavaliers
    Et les gitans étonnés
    Levaient leurs yeux de bronze et d'or
    Si ta voix se brisa
    Voilà plus de vingt ans qu'elle résonne encore
    Federico García

    Voilà plus de vingt ans, Camarades
    Que la nuit règne sur Grenade

    Il n'y a plus de prince dans la ville
    Pour rêver tout haut
    Depuis le jour où la guardia civil
    T'a mis au cachot

    Et ton sang tiède en quête de l'aurore
    S'apprête déjà
    J'entends monter par de longs corridors
    Le bruit de leurs pas

    Et voici la porte grande ouverte
    On t'entraîne par les rues désertées
    Ah! Laissez-moi le temps de connaître
    Ce que ma mère m'a donné

    Mais déjà
    Face au mur blanc de la nuit
    Tes yeux voient dans un éclair
    Les champs d'oliviers endormis
    Et ne se ferment pas
    Devant l'âcre lueur éclatant des fusils
    Federico García

    Les lauriers ont pâli, Camarades
    Le jour se lève sur Grenade

    Dure est la pierre et froide la campagne
    Garde les yeux clos
    De noirs taureaux font mugir la montagne
    Garde les yeux clos

    Et vous Gitans, serrez bien vos compagnes
    Au creux des lits chauds
    Ton sang inonde la terre d'Espagne
    O Federico

    Les guitares jouent des sérénades
    Dont les voix se brisent au matin
    Non, jamais je n'atteindrai Grenade
    "Bien que j'en sache le chemin"

    Né le 5 juin 1898, Federico García Lorca, Gémeaux ascendant Poissons, Lune en Sagittaire

     

     

    Biographie de Federico García Lorca

    Federico García Lorca (né le 5 juin 1898 à Grenade (source pour son heure de naissance : Felipe Ferreira, Astrodatabank) et mort le 19 août 1936 à Víznar) était un poète, dramaturge, peintre, pianiste et compositeur espagnol. Il est l'un des membres de la génération de 27.

    Pero el 2 no ha sido nunca un número
    porque es una angustia y su sombra…
    Pequeño poema infinito, 10/1/1930. Nueva York
    Mais le 2 n'a jamais été un numéro
    Parce qu'il est une angoisse et son ombre …
    Petit Poème Infini, 10/1/1930. New York

     

     



    Après plusieurs années passées à Grenade, il prend la décision qu'il lui faut aller vivre à Madrid pour rencontrer enfin le succès. Il alla à Madrid où il devint l'ami de Luis Buñuel, Salvador Dalí et Sanchez Mazas, parmi ceux qui deviendraient des artistes influents en Espagne. Là, il rencontra aussi Gregorio Martínez Sierra, le directeur du Teatro Eslava, à l'invitation duquel il écrivit et mit en scène sa première pièce en vers, El maleficio de la mariposa (Le Maléfice du papillon), en 1919-20. Elle met en scène l'amour impossible entre un cafard et un papillon, avec de nombreux insectes en support, mais elle fut malheureusement l'objet de moquerie du public, et s'arrêta après quatre représentations. Cela refroidit la passion de Lorca pour le théâtre pour le reste de sa carrière - il prétendit plus tard en 1927 que Mariana Pineda était sa première pièce.

    Pendant les quelques années qui suivirent il s'impliqua de plus en plus dans son art et dans l'avant-garde espagnole. Il publia trois autres recueils de poèmes, dont Romancero Gitano (1928), son recueil de poèmes le plus connu.

    Cependant, vers la fin des années 1920, Lorca fut victime d'une dépression, exacerbée par une angoisse due à la difficulté grandissante de cacher son homosexualité à ses amis et sa famille. Cette disparité entre son succès comme auteur et sa vie privée atteignit son paroxysme lors de la collaboration des deux surréalistes, Dalí et Buñuel, pour le film Un chien andalou (1929) que Lorca interpréta, peut-être par erreur, comme une allusion, voire une attaque à son encontre. En même temps, sa relation intense, passionnée mais non réciproque, avec le sculpteur Emilio Aladrén s'effondra quand ce dernier rencontra sa future épouse. Conscient de ces problèmes (mais peut-être pas de leurs causes) la famille de Lorca s'arrangea pour lui faire faire un long voyage aux États-Unis d'Amérique en 1929-30.

    Ce séjour de Lorca, particulièrement lors du passage à New York — sa première expérience d'une société démocratique, mais qu'il considérait comme dominée par un commercialisme rampant et l'oppression sociale de certains groupes ethniques — agit comme un catalyseur pour certains de ses travaux les plus radicaux. Son recueil de poèmes, Poeta en Nueva York, explore son aliénation et sa solitude à travers quelques techniques poétiques graphiquement expérimentales, et les deux pièces Así que pasen cinco años et El público qui furent considérées comme très en avance pour leur époque — d'ailleurs El público ne fut pas publié avant la fin des années 1970.

    Son retour en Espagne en 1930 coïncida avec la chute de la dictature de Miguel Primo de Rivera et le rétablissement de la République. En 1931 Lorca fut nommé directeur de la société de théâtre étudiante subventionnée, La Barraca, dont la mission était de faire des tournées dans les provinces essentiellement rurales pour présenter le répertoire classique. Il écrivit alors la trilogie rurale de Bodas de sangre (« Noces de sang »), Yerma et La casa de Bernarda Alba (La Maison de Bernarda Alba).

    Quand la guerre civile éclata en 1936, il quitta Madrid pour Grenade, même s'il était conscient qu'il allait vers une mort presque certaine dans une ville réputée pour avoir l'oligarchie la plus conservatrice d'Andalousie. Il y fut fusillé par des rebelles anti-républicains et son corps fut jeté dans une fosse commune à Víznar. Le régime de Franco décida l'interdiction totale de ses œuvres jusqu'en 1953 quand Obras completas (très censuré) fut publié. Ce ne fut qu'avec la mort de Franco en 1975 que la vie et le décès de Lorca purent être discutés librement.

    De nos jours une statue de Lorca est en évidence sur la Plaza de Santa Ana à Madrid.

    Œuvres majeures

    Poésie
    Impresiones y paisajes (« Impressions et paysages », 1918): Prose.
    Canciones (« Chansons », 1927)
    Primer romancero gitano (« Premier romancero gitan », 1928)
    Libro de poemas (« Livre de poèmes », 1931)
    Poema del cante jondo (« Poème du cante jondo », 1931)
    Primeras canciones (« Premières chansons », 1936)
    Poeta en Nueva York (« Poète à New York », publié en 1940)

    Théâtre
    El Maleficio de la mariposa (« Le Maléfice du papillon »: écrit en 1919-20, création en 1920)
    Mariana Pineda (écrit en 1923-25, création en 1927)
    La zapatera prodigiosa (« La Savetière prodigieuse »: écrit en 1926-30, création en 1930)
    Amor de Don Perlimpín con Belisa en su jardín («Les Amours de Don Perlimpín avec Belise en son jardin »: écrit en 1928, création en 1933)
    Bodas de sangre (« Noces de sang »: écrit en 1932, création en 1933)
    Yerma (écrit en 1934, création en 1934)
    Doña Rosita la soltera (« Doña Rosita, la célibataire»: écrit en 1935, création en 1935)
    Retablillo de Don Cristóbal (« Le Jeu de Don Cristóbal »: écrit en 1931, création en 1935)
    Los títeres de Cachiporra (« Le Guignol et le gourdin »: écrit en 1928, création en 1937)
    Así que pasen cinco años (« Lorsque cinq ans seront passés »: écrit en 1931, création en 1945)
    La casa de Bernarda Alba (« La Maison de Bernarda Alba »: écrit en 1936, création en 1945)
    El público (« Le Public »: écrit en 1930-1936, création en 1972)
    Comedia sin título (« Comédie sans titre »: écrit en 1936, création en 1986)

    Courtes pièces de théâtre
    El paseo de Buster Keaton (« La balade de Buster Keaton », 1928)
    La doncella, el marinero y el estudiante (« La demoiselle, le marin et l'étudiant », 1928)
    Quimera (« Chimère », 1928)

    Scripts de films
    Viaje a la luna (« Voyage à la lune », 1929)

    Citations
    « On n’a pas un enfant comme on a un bouquet de roses. » - Extrait d’Yerma

    « Chaque femme a du sang pour quatre ou cinq enfants et lorsqu'elle n'en a pas, il se change en poison. » - Extrait d’Yerma

    « Naître femme est le pire des châtiments. » - La maison de Bernada Alba

    « Rien n'est plus vivant qu'un souvenir. »

    « La pierre est un dos fait pour porter le temps. » - Darmangeat

     

    Né le : 5 juin 1898 à 00h00
    à : Granada (Espagne)
    Soleil : 14°19' Gémeaux AS : 3°27' Poissons
    Lune : 20°17' Sagittaire MC : 14°35' Sagittaire
    Dominantes : Sagittaire, Gémeaux, Poissons
    Neptune, Soleil, Lune
    Maisons 4, 10, 9 / Feu, Air / Mutable
    Numérologie : chemin de vie 1
    Taille : Federico García Lorca mesure 1m70 (5' 7")
    Popularité : 29 799 clics, 826e homme, 1 460e célébrité

     

     

    Du fragmentaire voyage onirique de Federico García Lorca vers les couleurs-sons du Pays de Nulle Part

    Jocelyne Aubé-Bourligueux

     

     

     

    Texte intégral

    • 1 Dans l’édition espagnole : Federico Garcia Lorca, Epistolario Completo, Andrew A. Anderson y Chris (...)
    • 2 A Melchor Fernández Almagro (1) [Asquerosa, ¿ finales de junio ? 1921], Epistolario, I, op. cit., (...)
    • 3 Ibid. trad. ibid.

    1L’année dernière, à l’occasion de ce même Colloque de La Garenne Lemot, la lectrice que je suis de la correspondance échangée par Federico García Lorca1 avec ses amis durant l’été 1921 puis le suivant, avait fait remarquer que le poète andalou y formulait à plusieurs reprises l’idée selon laquelle seuls les environs de Grenade constituaient alors son véritable havre de paix, au milieu des mille conflits spirituels ou tourments affectifs venus assaillir l’homme, mais aussi le créateur, durant une période particulièrement troublée pour l’un et l’autre. C’est en effet l’époque où l’auteur des lettres témoigne auprès de tous de sa quête d’une sérénité indispensable à son labeur d’écrivain, pourtant bien difficile à connaître lorsqu’il ne se réfugie pas dans un isolement bénéfique, voire même dans une solitude d’autant plus féconde qu’elle est totale, loin des tentations urbaines. Retiré à la campagne où la chaleur se fait accablante, l’expéditeur du courrier portant par exemple le cachet postal du village au nom peu accueillant de « Asquerosa2 » exprime ici et là son besoin d’y conquérir, ou reconquérir, une tranquillité d’esprit nécessaire au devenir de son œuvre littéraire, une sérénité constamment remise en cause malgré les efforts entrepris par mille mouvements du cœur et de l’âme venus attaquer férocement l’être de chair et de sang, comme l’artiste. L’expéditeur écrit par exemple, dans des lignes rédigées au mois de juin : « Je crois que ma place est ici parmi ces peupliers musiciens et ces rivières lyriques qui sont une eau perpétuellement endormie, parce que mon cœur se repose d’une manière définitive et que je me moque de mes passions qui dans la tour de la capitale me harcèlent comme un troupeau de panthères3. » Et sans doute convient-il de relever dans ce passage la volonté, clairement manifestée par le pianiste-poète, de s’abandonner avec bonheur aux douces rêveries prolongées dans la Véga et le long de rives bordées des arbres du jardin de l’enfance (álamos et chopos) : ici gros peupliers noirs ; et là élancés peupliers blancs, argentés, parfois même teintés aux couleurs du songe qui est alors le sien, tous étant toujours générateurs de nouvelles découvertes, elles-mêmes à la source d’expériences d’écriture en prose ou en vers sans cesse renouvelées. Pour l’heure, toutefois, un mouvement est en marche vers d’autres rives en matière de créativité.

    Quand le correspondant-musicien-peintre-poète fait part de son nouveau projet de « Poème de l’eau » et de « Traversée du désert », en 1921 et 1922

    • 4 A Melchor Fernandez Almagro (7), [Granada, finales de julio o comienzos de agosto, 1922], Epistola (...)
    • 5 Très curieusement, G. Lorca renoue ici avec la tradition mythologique d’Œdipe et du Sphynx, que ce (...)

    2Car voici que dans une missive de date quelque peu incertaine, adressée à Melchor Fernández Almagro pendant l’été 19224, Federico García Lorca annonce à son destinataire la composition d’une série de « poèmes » précisément intitulés « Les rêves de la rivière ». Ce sont donc là apparemment des morceaux qui mêlent étroitement la perspective onirique – sans laquelle le poète ne trouverait pas sa véritable inspiration – à la dimension émotionnelle et passionnelle, conçue au vrai sens d’une souffrance créatrice absolument nécessaire, selon lui, à l’apparition des pages rédigées ou en passe de l’être. Sans doute faut-il constater qu’une fois encore, la crise sentimentale vécue durant toute cette période reste inséparable, d’un point de vue œdipien, de la progression d’ordre esthétique ; ainsi, quand l’auteur précise à l’ami : « J’ai “composé” […] de petits poèmes pathétiques que je sens en moi, au plus profond de mon cœur malheureux. Tu n’as pas idée à quel point je souffre quand je m’y vois dépeint, je m’imagine que je suis un immense anophèle violet au-dessus de l’eau dormante de l’émotion5. » Et sans doute faut-il noter aussi que la nuance observée lors de la recherche en cours correspond, selon la tradition symbolique, à celle de la « tempérance » : faite en égale proportion d’un subtil mélange de rouge chthonien (représentant la force impulsive) et de bleu céleste (signe de l’action réfléchie). Car le « violet » semble ici le résultat à obtenir, ou le nouvel équilibre à trouver, aussi bien chez l’être de chair que chez le poète, entre la passion et l’intelligence, l’amour et la sagesse, les sens et l’esprit. Peut-être a-t-il, dans le regard porté sur le paysage extérieur et intérieur qui est le sien, l’écho du beau vers des « Voyelles » de Rimbaud : « O, Oméga, rayon violet de tes yeux. » Mélancolique et longue interrogation visuelle devant ce qui ne va plus être et n’est pas encore…

    3Plus que jamais se trouve ainsi confié au détour d’un paragraphe le tourment coloré éprouvé, à l’heure où l’écriture paraît refléter celui qui s’y essaie à la manière d’un miroir narcissique, ou d’une peinture renvoyant fidèlement son image-portrait. Mais, par l’intermédiaire d’un processus créateur venu puiser dans sa vérité la plus authentique et la plus profonde, jusqu’à le révéler aux autres à travers ces lignes, Federico García Lorca s’avoue cependant en train d’effectuer un processus d’objectivation artistique ressenti comme éminemment salutaire pour la suite de son œuvre. Et face à une douleur secrète qu’il s’agit d’abord pour lui d’extérioriser, afin de la traduire en mots et en images tout en lui donnant forme, à partir de ce qu’il appelle « poemitas patéticos que siento dentro », l’homme de la vie s’efforce de creuser davantage le fossé qui le sépare de l’homme de plume : le second contemplant progressivement le premier de l’extérieur, à la manière d’une sorte de double de lui-même désormais devenu un autre en voie de distanciation, peu à peu détaché vers une surface qui ne livrerait plus seulement sa propre intimité cachée. Or à ce stade, le lecteur comprend que la victoire ainsi obtenue sur le « pathos » le sera de haute lutte, peu à peu conquise en terme de libération, grâce à la maîtrise artistique de cette fluctuante « rivière lyrique », elle-même origine, centre et objet de toutes les fascinations visionnaires depuis l’enfance passée à Fuente Vaqueros, puis l’adolescence vécue à Grenade.

    • 6 Le texte original dit littéralement, en utilisant le verbe réservé aux femmes enceintes en période (...)

    4On se souvient que dans les missives échangées durant la période évoquée ici, Federico García Lorca fait d’abord part à ses interlocuteurs d’un grand projet poétique, dont le voyant qu’il est devenu explique qu’il suppose de sa part un véritable « accouchement » dans le domaine de l’écriture ; et de ce point de vue, l’utilisation du verbe « embarazar » dans la version espagnole est certainement à retenir. Car c’est bien d’une véritable mise au monde de l’art qu’il est alors question, à travers la démarche envisagée. L’expéditeur déclare à ce sujet, on se le rappelle : « Ces jours-ci, je me sens “embarrassé6”. J’ai vu un livre admirable à faire et que je voudrais faire : “Les méditations et les allégories de l’eau.” » Qu’il s’agisse au départ d’une recherche médiumnique ne fait dès lors aucun doute, à en juger par le choix du vocabulaire destiné à décrire le phénomène en marche ; mais personne ne saurait non plus ignorer que la genèse créatrice lorquienne présente à ce stade le caractère original d’une inspiration essentiellement « aquatique ». Car il ressort aussitôt de l’aveu précédent que le poète de Grenade baigne alors au sein d’une onde vitale dont il se sent simultanément rempli et fécondé, l’une et l’autre agissant en lui à la manière d’une nouvelle fontaine de jouvence, ou d’une source régénératrice. En ce sens, celui qui se confie à un ami journaliste littéraire, capable de partager son enthousiasme de chaque heure, explique sa hâte de donner le jour à un tel enfant spirituel, dont il traduit le fructueux développement en lui à travers le choix d’un langage symbolique et onirique renouant avec celui du jaillissement premier, voire même de l’évolution progressive de l’œuvre « in utero » ; sans oublier de souligner partout l’existence du lien charnel indissoluble établi, de ce fait, entre le correspondant-poète de Grenade et les gouttes d’une rosée-sang bienfaisante venues irriguer de l’intérieur la veine de l’existence de l’un comme la créativité de l’autre, sur un plan à la fois terrestre et céleste.

    • 7 Epistolario, op. cit., p. 155-156. Correspondance, I, op. cit., p. 1002-1003.
    • 8 Ibid, trad. ibid.

    5Or, si l’obtention de la couleur violette de la « tempérance » suppose celle, parfaitement équilibrée, de l’eau de vie, onde nourricière née de l’harmonieux mélange proportionnel du « rouge » et du « bleu », qu’en est-il à présent ? En réalité, le lecteur ne saurait manquer de remarquer que, dans le courrier adressé à Melchor Fernández Almagro, c’est l’adjectif chthonien qui est retenu et semble prédominer au niveau de l’échange des deux vases communiquants : « Le poème de l’eau que contient mon livre s’est ouvert dans mon âme. Je vois […] un poème qui chanterait en larges vers ou en prose très « rubato » la vie passionnée et les martyres de l’eau7 […]. » Déclaration capitale s’il en est que celle-ci dans la perspective de l’utilisation lorquienne des couleurs qui nous intéresse cette année. Car l’adjectif utilisé au fil de ces lignes est précisément « rubato », avec sa connotation à la fois musicale et picturale ; épithète employé ici pour qualifier l’aspect vital, passionné, physique, donc aussi sanglant, destiné à accompagner la venue au monde de l’art de cette production, elle-même accouchée d’une « eau rouge » qui coule dans les veines-ruisseaux et les artères-fleuves de son géniteur, comme dans les affluents menant à la mer vers l’embouchure, avant d’engendrer la poésie dans la douleur de celui qui enfante, tout en s’enfantant : « La rivière et les canaux sont entrés dans mes veines. Maintenant, il faut dire, le Guadalquivir ou le Mino naissent à Fuente Mina et se jettent en Federico García Lorca, modeste rêveur et fils de l’eau8. »

    • 9 Ibid, trad. ibid.

    6Et l’on peut ajouter que la présence passionnelle de ce « rouge » est également vue à la manière picturale d’une sanguine et entendue comme rythme librement interprété par le locuteur-dessinateur inspiré, non seulement avide de générer une vaste partition, mais encore capable de participer charnellement et spirituellement à sa création : puisque son souhait serait de jouer un rôle salvateur, afin d’apaiser, après sa propre soif enfin étanchée, celle d’autrui. Or, à l’heure où l’épistolier se sent plus que jamais relié à l’univers liquide où il baigne et qui l’immerge le long de méandres visibles de lui seul, de passages oniriques secrets, de courants phantasmatiques souterrains, et de nappes poético-musicales sous-jacentes, réapparues après s’être infiltrées en profondeur afin de permettre un ressourcement de nature initiatique, en chaîne, l’auteur ajoute cette autre phrase qu’il convient de citer à présent : « Je voudrais que Dieu me donne assez de force et de joie, oh oui, de joie ! pour écrire ce livre que je vois aussi, ce livre de dévotion pour ceux qui voyagent dans le désert. Même si vous deviez m’appeler le Seco de Lucena du Sahara9. » Car, au-delà de l’ironique allusion au directeur du journal El Defensor de Granada, auteur qui plus est d’un Guide touristique de la ville, il faut en effet voir dans cette déclaration l’aveu de la lutte conflictuelle qui, durant toute la période, continue d’agiter en profondeur celui qui tient la plume. Lancé sur le chemin d’un renouveau aquatique qui n’exclut pas la naturelle inquiétude accompagnant la féconde gestation en cours, l’écrivain dont l’expression se veut à mi-chemin entre poésie et prose – prose poétique –, éprouve l’impression de vivre une aventure ressemblant fort à une traversée du désert : expérience ascétique du « voyageur » parmi les dunes de sable et qui va, en effet, passer à sa manière par ladite épreuve artistique ; et ce, au fil du second essai des Méditations et allégories de l’eau, resté inachevé et menant vers le « Pays de Nulle Part ».

     

     

    • 10 A Melchor Fernández Almagro (3), [Granada, ¿ primera semana de noviembre, 1921 ?], Epistolario, op (...)

    7Dans une autre correspondance de date incertaine, peut-être envoyée de [Grenade, première semaine de novembre ?, 1921 ?], une fois encore à son ami Melchor Fernández Almagro, García Lorca lui fait cette confidence assez sibylline : « Les vallées du Darro et du Genil en cette époque automnale sont les uniques sentiers de ce monde qui puissent nous mener au pays de Nulle Part, qui doit se trouver parmi ces brumes de rumeur10. » Où se situe toutefois cette mystérieuse contrée qui paraît l’attirer irrésistiblement ; et comment y accéder, depuis Grenade et ses deux principales voies d’eau dont le jeune « paysan » andalou disait : « Les deux fleuves de Grenade/descendent de la neige vers le blé… Le Génil endort ses bœufs et le Darro ses papillons... » ?

    8Dans un premier temps, l’accès en direction de terres à découvrir ou redécouvrir sera ouvert à la voyance poétique, grâce aux expérimentations artistiques de nature musicale et picturale entreprises ; lesquelles engageront le moi créateur sur un chemin chaque jour plus riche de panoramas apparus à l’issue d’une recherche aussi difficile que périlleuse. En ce sens, le correspondant toujours à l’écoute des divers langages telluriques ou cosmiques susceptibles de lui faire suivre et trouver la trace d’un monde inconnu, au-delà de la réalité contemplée qui l’entoure, écrit par exemple dans cette même lettre, à propos de sa ville :

    • 11 A Melchor Fernández Almagro, (3), [Granada, ¿ primera semana de noviembre, 1921 ?], Epistolario, o (...)

    Grenade pâlit d’heure en heure et dans les rues qui donnent sur la campagne il règne une désolation infinie et une rumeur de port abandonné. L’automne transforme la Véga en une baie submergée. Sur les murs de l’Alhambra, tu n’as jamais eu envie de t’embarquer ? Tu n’as jamais vu les barques idéales qui se balancent endormies au pied des tours ? Aujourd’hui je me rends compte, au milieu de ce crépuscule gris et nacré, que je vis dans une Atlantide merveilleuse11.

    9Comment ne pas songer alors, aux strophes incantatoires du « Romance gitan » qui, quelque deux ans plus tard laisseront entendre la mystérieuse et envoûtante voix en train de chanter :

    • 12 Federico García Lorca, Romancero gitano, IV, « Romancero sonambulo », A Gloria Giner y Fernando de (...)

    […] Vert c’est toi que j’aime vert.
    Vert du vent et vert des branches.
    Le cheval dans la montagne et la barque sur la mer. […] vert visage, cheveux verts, la mer est son rêve amer. […]
    Laissez-moi monter au moins vers les vertes balustrades, laissez, laissez-moi monter jusqu’aux vertes balustrades !
    Aux balustrades de la lune d’où l’eau tombe avec fracas.
    […] Vert c’est toi que j’aime vert.
    Vert du vent et vert des branches.
    Le cheval dans la montagne et la barque sur la mer12.

    • 13 « Appendices des “Suites” », Notes et variantes, I, op. cit., p. 1347. Dans l’édition espagnole, « (...)

    10Pourtant, les imaginaires teintes marines irisées dont il est question dans les lignes et les vers cités, oscillant comme les bateaux de sa fantaisie entre le vert glauque et le gris dans le soir qui tombe, supposent aussi, dans un deuxième temps, que le mouvement engagé jusqu’à l’embouchure s’inverse ; et que l’appel du mystérieux océan prêt à happer l’élan lyrique, en la personne du chantre andalou qui s’y confond, ne l’entraîne pas vers sa propre fin, mais soit contrarié et lui permette de s’orienter dans le sens d’un retour en arrière salvateur, de dernière heure. Ainsi, dans les vers de la Suite intitulée [De Vuelta, ou De Regreso], elle-même inachevée, des vers en date du 6 août 1921 d’une « Presque-élégie » interrogent, avant de conseiller : « Tant vivre./À quoi bon ? Le sentier est ennuyeux/et l’amour manque./Tant de hâte./À quoi bon ?/Pour prendre la barque/qui ne mène à nulle part./Mes amis, retournez ! Retournez à votre source !/N’épanchez-pas votre âme/dans le vase/de la Mort13 ». Un fragment comme celui-ci incite en fait à un mouvement de régression vers l’origine, lequel donne d’ailleurs son sens à l’ensemble des vers restés à l’état d’ébauche ; surtout lorsque la voix poématique incite à grands cris le destinataire à ne pas « s’embarquer » en direction de quelque rive secrète, réservée aux ombres : rivage sans doute infernal, après la traversée imposée par quelque nocher rappelant Charon, même si aucun fleuve ne peut être localisé ici comme le Styx ou l’Achéron, puisque la destination finale est qualifiée de lieu de « nulle part ».

    • 14 Méditations et allégories de l’eau, En marge des Suites, Pléiade, I, op. cit., p. 306-308. Le seco (...)
    • 15 Meditaciones y alegorías, op. cit, p. 883. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    11Dans la page sans titre, facette de son côté non terminée venue constituer le second volet des Méditations et allégories de l’eau14, le lecteur retrouve l’écrivain García Lorca apparemment en train de suivre un itinéraire identique au long, peut-on lire, d’un « chemin qui ne mène à Nulle part où sont ceux qui sont morts en espérant15 ». Vers l’heure trouble où le voyageur du soir, en proie à d’étranges phénomènes de métamorphoses de couleurs et de sons, renoue curieusement avec le projet artistique qui de longue date avait été le sien : à savoir composer une nouvelle série d’essais à caractère médiumnique liés à des rêveries aquatiques, en leur conférant l’aspect chatoyant dont saurait les doter son regard de peintre-musicien, glissé sous la plume du prosateur-poète. Et c’est là que commence, pour l’artiste complet engagé sur le sentier d’une créativité en voie de renouveau initiatique, la traversée du désert annoncée ; une épreuve dont il lui faudra sortir indemne en gagnant l’autre rivage, après être passé par toute une palette de couleurs et de vibrations sonores ; et un itinéraire au cours duquel le lecteur découvre que de subtiles correspondances font soudain du passant en train de cheminer depuis des « terres non irriguées » – en espagnol « tierras de secano » –, jusqu’à la plaine entourant Grenade, un véritable initié.

    12Curieusement en effet, le locuteur qui s’exprime ici à la première personne prend la forme d’une figure intermédiaire entre la voix poématique entendue dans les vers de la « Presque-Élégie » et le narrateur d’un récit vécu, a posteriori muni de sa plume-pinceau pour raconter son étrange aventure. Mais il s’agit dans les deux cas, pour le témoin devenu écrivain, d’évoquer soudain quelque mouvement de retour, le verbe utilisé en Espagnol étant le même dans chaque texte, à savoir « volver » : « Je revenais des hautes terres » précise d’emblée le début du passage. L’arrivant donne ainsi l’impression d’émerger brusquement de ce même passage par le désert, auparavant mentionné par le correspondant. Mais il n’échappe pas au lecteur que le mouvement de descente suggéré depuis la zone sèche en direction de la Véga, est aussitôt décrit à travers une palette de nuances visuelles et auditives dont il convient certainement de se demander quel rôle elle joue et quel sens elle revêt chez celui qui semble percevoir avec un regard neuf un paysage anciennement connu, bien que revisité et réécrit autrement. Car c’est bien à travers de nouveaux yeux que passent les visions successives conduisant jusqu’à l’interrogation sans réponse concernant la possible localisation du vers nulle part, à partir d’un quelque part tout aussi difficile à situer. La preuve en est, d’ailleurs, que l’évocation d’un tel lieu suppose le choix du seul substantif à connotation adjectivale (« secano » ou « tierra de secano »), chargé de le définir en terme de sécheresse et de stérilité auxquelles s’attache son souvenir.

    • 16 Ibid, trad. ibid.
    • 17 A Melchor Fernandez Almagro (7), Epistolario, op. cit., p. 155. Dans cette page conservée, il s’ag (...)
    • 18 Meditaciones y alegorías, op. cit, p. 883. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    13De quelle facette diurne une telle expédition au milieu des campagnes arides avait-elle dès lors constitué l’aller, non décrit ? Nul ne le sait. Toutefois, la redescente nocturne à valeur hautement symbolique dont il est maintenant question suppose la trace de maintes nuances et de nombreux bruits à jamais fixés dans la mémoire poétique du passant qui refait désormais le chemin artistique en sens inverse, quand le narrateur nous fait palper l’univers « bleu » du songe avec lui partagé : « Dans les profondeurs, la Véga était enveloppée de son tremblement azuré. Sur l’air étendu de la nuit estivale flottaient les frissonnants rubans des grillons. » C’est en réalité le passage subtil d’un monde à l’autre que cherche maintenant à traduire l’écrivain, à partir d’une forme littéraire susceptible de caractériser le moment de transition auditive imperceptible, ou de délimiter une frontière invisible à l’œil nu, au contact d’un paysage très ancien, capté pour la première fois par une pupille et entendu par une oreille redevenue vierge. Car le point de convergence insoupçonné, guetté ici minutieusement par l’auteur de l’aventure des sons et des couleurs, est résumé en une phrase centrale : « En descendant des hautes terres sèches vers la Véga, il faut traverser un gué mystérieux que peu de gens perçoivent, le Gué des sons16. » Ce « Vado de los sonidos » du texte original, portant ici une majuscule, est celui dont parle l’auteur de la lettre envoyée durant l’été 1922 à Melchor Fernández Almagro (7). Le passage à gué visuel et auditif est dès lors obligé, en direction des secrètes apparitions annoncées dans la missive de juillet-août, où F. García Lorca affirmait en devin à son destinataire : « Je vois tout, jusqu’aux chapitres et jusqu’aux strophes (il y aurait de la prose et des vers), par exemple : Le “métier à tisser de l’eau”, “Carte de l’eau”, “le gué des sonorités”, “Méditations de la source”, “L’eau dormante17” », avant de préciser dans le texte des Méditations et allégories : « C’est une frontière naturelle où un silence étrange veut éteindre deux musiques contraires18. »

    14Au cours du nouveau chemin suivi par le prosateur-poète, comme par l’épistolier, ce dernier avoue métaphoriquement partout être parti en quête de cet ultime franchissement d’ordre lumineux et mélodique, nécessaire à l’évolution-mutation de son expérience créatrice en marche. Car là se situe la limite soigneusement dissimulée dans l’ombre de son paysage littéraire en voie d’élaboration-transformation, à l’heure où tout l’effort de la genèse de l’écriture tend à signifier l’instant unique où triomphe l’oxymore capable d’abolir un désaccord mélodique, mais aussi pictural, ainsi que nous allons le montrer, ensuite envisagé sous l’angle de « deux musiques contraires ». Lui sera-t-il possible, toutefois, d’appréhender une telle synthèse harmonique de l’œil et de l’oreille ? Et comment gagner l’autre rive permettant d’accéder peu après au « pays de Nulle part » ? Car ce « Gué » le créateur le franchira-t-il ?

    De la « musique du jaune » au « vert aquarium » de la Véga, en passant par le « Gué des sons », ou du nouvel itinéraire créateur lorquien d’une œuvre inachevée

    • 19 Idem, p. 882. Francisco Garcia Lorca dit “amarillento” » in Federico y su mundo, Mario Hernandez, (...)
    • 20 Vassili Kandinsky, Du spirituel dans l’art, Paris, 1954.
    • 21 Meditaciones y alegorias, op. cit., p. 882. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    15Dans la perspective d’un décor visuel et sonore à redécouvrir pour le réécrire de façon tout à fait inhabituelle, car plus que jamais fait – sans aucun jeu de mots – de correspondances, les multiples sensations successivement éprouvées par le promeneur qui, non seulement revient sur ses pas à la tombée du jour mais encore va s’enfoncer peu à peu au cœur de la plaine grenadine, font de lui un témoin privilégié, en proie à toute sorte de cénesthésies, envahi de perceptions multiples devenues à la fois extrêmement aiguës et contrastées. C’est ainsi que le mouvement panoramique amorcé dans les premières lignes du second texte analysé cette année donne l’impression d’opposer à la vision Or-Azur des rayons du soleil traversant les cieux durant le jour, un couple Jaune-Bleu désormais teinté de nuit, au sein duquel vont se heurter les deux couleurs caractérisant respectivement, ici la Véga, et là le secano, quand le champ de leur affrontement entre le haut et le bas devient la surface même de la terre : mince pellicule capable comme notre propre peau de lentement jaunir aux approches de l’agonie. Or, précisément, au moment où l’auteur explique : « Dans les profondeurs, la Véga était enveloppée de son tremblement azuré », puis : « La musique des hautes terres a une saveur marquée jaune paille19 », il suggère d’emblée la dégradation de la chaude nuance mâle de lumière vitale dont Kandinsky affirmait qu’elle ne pouvait supporter de tendre à l’obscurcissement20 et dont Goethe, dans sa fameuse Théorie des couleurs, disait qu’elle était certes « claire, gaie, douce », bien que toujours susceptible de se déprécier sous l’effet de la « plus légère addition ». Et tandis que le rappel du trajet de retour renoue aussitôt avec la sensation « jaunâtre », annonçant la teinte automnale des champs dénudés après l’été propice aux épis mûrs, la tenace présence d’une sonorité indissolublement liée à la terre desséchée laisse un goût particulier dans la bouche ; de sorte que la phrase qui suit établit aussitôt la transition vers l’écoute d’un chant funèbre, accompagnant des visions morbides quand la voix intérieure explique : « Maintenant je comprends que les cigales sont d’or pur et qu’une mélodie peut se défaire en cendre parmi les oliviers. Les morts qui vivent dans ces cimetières si éloignés du monde doivent jaunir comme les arbres de novembre21. »

    • 22 La cigale se fait le symbole du couple complémentaire lumière-obscurité, par l’alternance de son s (...)
    • 23 Meditaciones y alegorías, op. cit., p. 882. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    16À ce stade, l’écoute des « grillons » d’un soir d’été a succédé au chant diurne de la « cigale d’or » qui s’est tue au coucher du soleil ; aussi, le « jaune » qui donne davantage son reflet au chaume semble plutôt considéré sous l’angle du déclin, de la vieillesse, de la fin d’une vie conduisant irrémédiablement chacun à sa dernière demeure, dès lors que la stridulation de l’insecte solaire22 jadis consacré à Apollon paraît pervertie au point de résonner de son crissement le plus sombre. De sorte qu’après l’évocation du précieux métal initialement gage de lumière céleste, de connaissance et d’immortalité, le lecteur assiste à une sorte de défaite lyrique et picturale en marche, à l’heure où la dissolution ignée gagne un art musical désormais saisi dans sa seule valeur résiduelle et voué, comme les corps dans lesquels s’était éteint le feu de la vie, à voir s’accomplir la menace du mercredi des cendres, formulée dans les termes du « pulvis es et in pulverem reverteris ». Et tout se passe alors comme si, dans les demeures souterraines infernales irriguées en profondeur par de mystérieuses sources jaunes menant aux royaumes des morts, ces derniers se trouvaient eux-mêmes gagnés par une sorte d’ultime contagion capable de pénétrer partout le paysage littéraire et s’insinuant, ici, dans les troncs et les branches des végétaux, là dans ce qui reste des cadavres humains, en l’absence de la promesse dorée d’éternité. Mais de quels crissements résonne le paysage à l’entour, si ce n’est des « frissonnants rubans des grillons » dont le début du morceau venait d’évoquer la présence cachée et qui semblent constituer la facette complémentaire nocturne et lunaire du couple lumière-obscurité dont l’autre facette solaire est précisément la cigale ? Y aurait-il, dès lors, une lecture seconde à cet extrait, lequel présente apparemment une signification voilée chez l’artiste inspiré devenu, à la fin du passage, une sorte d’insecte capable de capter des langages réservés, dira-t-il, « à ceux qui ont une rétine spirituelle bien constituée23 » ? On peut le penser.

    • 24 Ibid., trad. ibid. En ce qui concerne le « vert », « l’aquarium » de ces lignes est certainement à (...)
    • 25 A Melchor Fernández Almagro (7), Epistolario, op. cit., p. 155. Trad. Correspondance, [Grenade, ao (...)

    17La transition simultanément colorée et sonore s’effectue pourtant progressivement à l’occasion de la descente, depuis la teinte flétrie du paysage chtonien jusqu’au « vert » peu à peu entrevu, puis approché, au niveau d’une plaine non plus seulement caractérisée comme celle entourant la ville de Grenade, mais davantage perçue autrement, quand nous lisons : « En approchant de la Véga il semble que nous pénétrions dans un aquarium tout vert, l’air est une mer aux flots bleus, une mer faite pour la lune, où les grenouilles jouent de leurs multiples flûtes de roseaux secs24. » C’est en effet un véritable phénomène de métamorphose qui agit dans ces lignes, pour modifier dans l’imaginaire lorquien, puis sur le papier où l’auteur écrit, les visions habituellement présentées d’un spectacle marin, en l’absence de mer. Le moi lyrique renoue de la sorte, dans les pages en voie de rédaction, avec les déclarations du correspondant durant l’automne 1921, relatives au mythe de l’Atlantide, à Grenade. Or, dans sa lettre à Melchor Fernández Almagro de l’été 1922, il avait également évoqué ses projets de poèmes sur « l’eau morte », ajoutant : « Quel poème émouvant que celui de l’Alhambra vue comme le panthéon de l’eau25. »

    • 26 Sans doute faut-il remarquer ici l’alliance du « jaune » et du « bleu » donnant le vert, dans laqu (...)

    18Et sans doute faut-il faire observer ici que dans cette même lettre la mention du « Pays de Nulle Part » suit de près ces lignes, ce qui ne constitue certainement pas une simple coïncidence ; car il n’y a en fait qu’un pas, de ce verbe « embarcar » à l’autre expression de la volonté poétique traduite par : « Pour prendre la barque/qui ne mène à nulle part », dans les vers du poème « Presque-élégie » : motif obsédant chez l’expéditeur qui évoque le thème à plusieurs reprises cet été-là. Ne s’agit-il pas partout pour l’épistolier ou le poète de voguer selon tous les caprices de sa fantaisie ? Dans le cas présent, toutefois, cet univers aquatique auquel il est fait allusion dans les missives se meut chez le narrateur en un « aquarium tout vert », potentiellement fécond et riche de nouvelles facultés créatrices, flottant au milieu d’une atmosphère à son tour changée en « mer » cosmique, puisque lunaire aux ondes turquoises26 dans une atmosphère elle-même d’un bleu outremer où, grâce aux mille caprices de l’imaginaire poétique, des grenouilles musiciennes – donc elles aussi implicitement vertes – peuvent naître, se transformer, vivre et coasser comme dans un vaste marécage. Mais on sait qu’entre le bleu et le jaune, le vert résulte à son tour de leurs interférences chromatiques et qu’il garde un caractère étrange et complexe tenant de sa double polarité : vie et mort, dans la mesure où il est le reflet des profondeurs, comme de la destinée.

    • 27 « Meditaciones y alegorías del agua », op. cit., p. 882. Méditations et allégories…, op. cit., p. (...)

    19Or, pour pouvoir passer de l’un à l’autre côté, c’est-à-dire aussi d’une couleur à l’autre, dans le cadre du cheminement entrepris par le voyageur vers le bas, celui-ci devra auparavant franchir le fameux « Gué des sonorités » : seuil limite privilégiée obligatoirement à dépasser, afin de changer d’apparence, de décor et de rive ; donc territoire secret, invisible au regard non initié parce qu’il constitue certainement le lieu central d’une mise à l’épreuve visuelle et auditive elle aussi limite, si l’on en croit la suite du paragraphe : « Si nous avions une rétine spirituelle bien constituée, nous pourrions noter qu’un homme qui descend coloré de l’or des hautes terres tourne au vert en entrant dans la Véga, après avoir disparu un moment dans le trouble courant musical de la ligne de partage27. » Dans un premier temps, certaines des références citées paraissent renvoyer le lecteur à des échos de la poésie symboliste, en particulier au poème « l’œil est un glauque Aquarium » du recueil Le voyage dans les yeux de Georges Rodenbach qui écrivait :

    • 28 Cf. Georges Rodenbach, Les vies encloses, (Fasquelles édit.), « L’œil est un glauque Aquarium », d (...)

    L’œil est un glauque aquarium d’eau somnolente :/Tranquillité, repos apparent, calmes plis/Comme ceux qui s’éternisent dans les surplis/Puis tout à coup un trouble, une ascension lente/D’un désir qui vient faire une blessure à l’eau,/Moires d’une blesure élargie en halo./Ce désir s’évapore ; un autre lui succède./Chacun des mouvements de l’âme en cette eau tiède/Est une ombre sous des vitres qui disparaît ;/En fuite comme avec des nageoires l’ombre erre/Et s’argente dans la transparence du verre./Aquarium peuplé de songes en arrêt !/Une pensée y nage à peine définie/Et retourne dormir dans des varechs couchés/Parmi les minéraux du crâne et ses rochers./Une autre pensée ose – et c’est une actinie –/Ouvrant dans la prunelle un coquillage-fleur,/Mais qu’on l’effleure, il se reclôt avec douleur./ Paysage qui change à tout instant : pensée/Qui sont des poissons noirs, des perles nuancées,/Des monstres froids ou des infiniments petits,/Corpuscules dans le fond de l’être blottis ; Embryons de projets, vagues germes de rêves,/Émergeant d’on ne sait quel abîme mental,/Qui montent jusqu’à l’œil en assomptions brèves/Et viennent animer cet écran de cristal28.

    20Il n’en est pas moins vrai qu’au-delà de possibles réminiscences d’ordre culturel, l’expérience occulaire qualifiée de « spirituelle » débouchant à ce stade sur l’acte d’écriture n’appartient qu’à García Lorca, auteur « somnambule » du Romance gitan :

    • 29 Romancero gitano, IV, « Romance sonambulo », A Gloria Giner y Fernando de los Rios, OCI, op. cit., (...)

    Vert c’est toi que j’aime vert.
    Vert du vent et vert des branches.
    Le cheval dans la montagne
    et la barque sur la mer.
    L’ombre jusqu’à la ceinture,
    elle rêve à sa balustrade,
    vert visage, cheveux verts,
    prunelles de froid métal.
    Vert c’est toi que j’aime vert.
    Et sous la lune gitane
    tous les objets la regardent,
    elle qui ne peut les voir29.

    • 30 Meditaciones y alegorías, op. cit., ibid. Méditations et allégories., op. cit., ibid.

    21C’est cette même voix du prosateur-poète qui suggère la mutation progressive de l’être en train de changer de couleur au fur et à mesure de son trajet, ici descendant, et passant de l’or au jaune, puis au vert, non sans être auparavant presque effacé au regard lors de la traversée du « Gué » ; c’est-à-dire de ce « gué-lisse » propre aux « batailles du gué » celtiques, par exemple, donc point de rencontre traditionnellement vu comme le lieu limite réservé à tous les combats singuliers et comme l’enjeu d’une lutte menant vers un saut difficile de l’être, effectué d’un monde à l’autre, ou d’une étape à la suivante. Or précisément la vision de « l’aquarium », initialement vu comme le réservoir symbolique potentiellement fécond de la créativité en marche, est certainement là pour permettre artistiquement un véritable passage initiatique, au terme d’un conflit supposant une mort intérieure, source d’une éventuelle renaissance de l’autre côté du point de rencontre. Toutefois, lorsque l’auteur de la mise à l’épreuve imposée explique : « J’ai voulu suivre un instant le chemin émouvant (d’un côté les grenouilles, de l’autre les grillons) et j’ai bu de froids filets de silence récent entre les imperceptibles chocs sonores30 », il témoigne de sa préférence à rester en quelque sorte en terrain neutre, sans vraiment se décider à franchir l’obstacle. L’expérience limite se poursuit donc, au sein même de ce passage difficile où s’annulent les données contraires colorées et musicales, tandis que le moi lyrique soucieux de saisir ce moment unique s’engage bientôt sur ce qu’il définit maintenant en terme d’itinéraire limite, aussi bien sur un plan humain que dans une perspective artistique : conquête d’une identité personnelle et d’une autre écriture.

    22Or précisément, c’est là un sentier qui remplit encore la mémoire affective de celui qui l’a parcouru en proie à diverses sensations « émotivement » fortes, à la fois auditives, visuelles, voire même gustatives, sans cesse renouvelées ; parce qu’il lui a permis d’absorber (« j’ai bu », dit-il), au fur et à mesure, chacune des impressions éprouvées de manière éphémère. Ainsi apparaît-il qu’au fur et à mesure du récit de sa progression le long de l’invisible ligne tracée sur le sol, la vue comme l’ouïe finit par ne plus distinguer les subtiles nuances que grâce à une perception totalement intériorisée, seule susceptible en dernier ressort de résoudre les antagonismes antérieurs colorés de l’être, après que celui-ci ait « disparu un moment dans le trouble courant musical de la ligne de partage ».

    • 31 Ibid. trad. ibid.

    23Dans le cas présent, le passage ne sera pas franchi par celui qui ne parvient à effectuer le saut de l’autre côté de la frontière que par l’intervention de son imaginaire : « De l’arrière de l’olivette jusqu’aux avancées des peupliers noirs, quelles admirables algues, quels points de lumière invisible doivent flotte31 ! » C’est donc vers le rideau constitué des arbres de l’enfance de la Véga autrefois connus, gros troncs noirs des « chopos » entourant le village des premières années, que la fantaisie créatrice s’oriente finalement, à partir d’un traitement purement onirique ; tandis que le voyageur laisse derrière lui, provisoirement peut-être, cette autre espèce végétale qu’est « olivier » andalou dont l’huile de « l’onction » éclaire le sentier spirituel : arbre symbolique s’il en est que les Grecs avaient consacré à Athena, les Romains à Jupiter et à Minerve, et qui introduisait pour sa part aux mystères d’Éleusis. Et avec l’image des « algues », il s’agit d’effectuer une plongée dans l’élément marin fictif dont il rêvait tant, « vert » aquarium ou réservoir de vie, pour l’auteur qui cherche à renouer ainsi avec la nourriture primordiale et l’existence élémentaire.

    • 32 Meditaciones y alegorías, op. cit., p. 883. Méditations et allégories., op. cit., p. 308. Le frère (...)
    • 33 « Ajo de agónica plata/la luna menguante pone/caballeras amarillas/a las amarillas torres », cite (...)

    24Ceci semble d’ailleurs si vrai que ce dernier apparaît désormais sous la forme d’un étrange insecte, terrestre ou aquatique, comme tel doté de nouveaux organes de perception d’une plus grande subtilité. N’est-il pas en fait lui-même en train de se transformer en « grillon » ? Car, dans une certaine mesure en métamorphose de lui-même, le voici alors soudain muni de ce qu’il appelle les « longues antennes de mes oreilles », organes sensitifs sensibles s’il en est, qui le rendent capable de sonder autrement le « Gué » au fil de l’onde, afin de toucher le fond du lit sablonneux et de pouvoir capter enfin le secret si bien gardé par l’eau : « Je me suis arrêté devant le courant et les longues antennes de mes oreilles ont exploré la profondeur. Par ici, il est large et plein de remous, mais en aval, il s’enterrera dans les sables bleus du désert32. » Se sentant soudain apte de la sorte à palper de ses nouveaux membres vibrants les sons inaudibles de la nature qui l’entoure, il tente désespérément de trouver le langage tant espéré. Mais le pourra-t-il, dès lors qu’il a avoué dans une lettre avoir pris la seule voie menant, depuis les vallées du Genil et du Darro, « au pays de Nulle part qui doit se trouver parmi ces brouillards de rumeurs » ; et dès lors, aussi, qu’il vient de révéler que ce même « pays » est celui situé tout au bout du chemin où séjournent les défunts de l’attente et de l’espoir, puisqu’il est l’insituable lieu de « Nulle part où sont ceux qui sont morts en espérant » ? Pour l’heure, le lecteur peut penser que non, sur la foi de la dernière phrase selon laquelle : « À présent, il a la sublime confusion des songes oubliés ». N’est-ce pas finalement sur cette double impression que s’achève cette page, tandis que se profile l’astre lunaire de la phrase : « La lune décroissante comme un ail d’or met un duvet adolescent à la courbure du ciel33. » ?

    25Et pourtant, depuis ces mêmes « sables bleus du désert » renvoyant à son courrier et à l’expérience ascétique de la « traversée du désert » que celui-ci laissait supposer, la « confusion » onirique et langagière à caractère babélique va opérer ses miracles de sons et de couleurs quelque temps plus tard. Dès le mois de novembre 1921 sera écrit le poème « Campo », « Champ » évocateur des teintes ici rencontrées :

    • 34 En marge du « poème du cante jondo », La Pléiade, I, op.cit., p. 168.

    Nuit verte.
    De lentes
    spirales mauves
    tremblent
    dans la boule de verre de l’air.
    Dans les grottes sommeillent
    les serpents du rythme.
    Nuit verte34.

     

    26Et vient quelque temps plus tard la poésie lorquienne au rythme somnambule et à la verte couleur hypnothique, comme pour répondre à la question que le prosateur avait posée : « Est-ce là le chemin qui ne mène à Nulle part où sont ceux qui sont morts en espérant » ?, interrogation qui était alors restée sans réponse :

    […]
    Vert c’est toi que j’aime vert.
    De grandes étoiles de givre
    escortent le poisson d’ombre
    qui ouvre la voie de l’aube
    Le figuier frotte le vent
    avec sa râpe de branches.
    Le mont, comme un chat sauvage,
    hérisse toutes ses agaves.
    Mais qui viendra ? Et par où ?…
    Toujours à sa balustrade,
    vert visage, cheveux verts,
    la mer est son rêve amer ».
    […]
    Vert c’est toi que j’aime vert.
    Vert du vent et vert des branches.
    Les deux compagnons montaient.
    Dans leur bouche le grand vent
    laissait comme un goût de fiel,
    de basilic et de menthe.
    Compagnon, dis, où est-elle,
    ta fille, ta fille amère ?
    Que de fois elle t’attendit !
    Que de fois elle t’espéra,
    frais visage, cheveux noirs,
    à la verte balustrade !
    Sur la face de la citerne
    se balançait la gitane.
    vert visage, cheveux verts,
    prunelles de froid métal.
    Un mince glaçon de lune
    la soutient à la surface
    La nuit se fit plus intime
    comme une petite place.
    Ivres, les gardes civils
    cognaient aux portes, là-bas.
    Vert c’est toi que j’aime vert.
    Vert du vent et vert des branches.
    Le cheval dans la montagne
    et la barque sur la mer.

     

    Notes

    1 Dans l’édition espagnole : Federico Garcia Lorca, Epistolario Completo, Andrew A. Anderson y Christopher Maurer (eds). Libro I (1910-1926) al cuidado de Christopher Maurer. Libro II (1927-1936) al cuidado de Andrew A. Anderson. Pour la traduction française, se reporter à l’Édition de La Pléiade, établie par André Belamich, textes traduits par André Belamich, Jacques Comincioli, Claude Couffon, Robert Marrast, Bernard Sesé, Jules Supervielle, NRF, Gallimard, 2 vol. Correspondance février 1918-juillet 1936, I. des pages 983 à 1195.

    2 A Melchor Fernández Almagro (1) [Asquerosa, ¿ finales de junio ? 1921], Epistolario, I, op. cit., p. 119. Trad., Correspondance À Melchor Fernandez Almagro [Asquerosa, juillet 1921], op. cit., p. 996.

    3 Ibid. trad. ibid.

    4 A Melchor Fernandez Almagro (7), [Granada, finales de julio o comienzos de agosto, 1922], Epistolario, p. 155. Voir sur ce point la note 447, p. 154. Trad., [Grenade, août 1921], Correspondance, I, op. cit., p. 1002. Cette dernière date est en fait erronée dans l’édition française.

    5 Très curieusement, G. Lorca renoue ici avec la tradition mythologique d’Œdipe et du Sphynx, que certains historiens de la Grèce considèrent, de manière emblématique, en relation avec le moustique de la malaria. D’après eux, ce fléau disparut quand le monstre mourut, c’est-à-dire quand Œdipe eut résolu l’énigme et asséché les marais pleins d’anophèles responsables des fièvres. La malaria, comme la « peste » qui ravageait le pays apparaît donc, dans cette tradition, comme un symbole négatif des conséquences funestes de la perversion capable de tout ravager. Cf. P. Diel, « La banalisation titanesque, Œdipe », II (Traduction du symbolisme mythique en langage psychologique), Le Symbolisme dans la Mythologie grecque, p. 155 sq.

    6 Le texte original dit littéralement, en utilisant le verbe réservé aux femmes enceintes en période de fin de grossesse : « Estos días me siento embarazado. He visto un libro admirable que esta por hacer y que quisiera hacerlo yo. Son “Las Meditacionesy alegorias del agua" », A Melchor Fernandez Almagro (7), Epistolario, op. cit., p. 155.

    7 Epistolario, op. cit., p. 155-156. Correspondance, I, op. cit., p. 1002-1003.

    8 Ibid, trad. ibid.

    9 Ibid, trad. ibid.

    10 A Melchor Fernández Almagro (3), [Granada, ¿ primera semana de noviembre, 1921 ?], Epistolario, op. cit., p. 131. « Los valles del Dauroy del Genil en esta época otoñalson las ünicas sendas de este mundo que nos llevarian al pais de Ninguna Parte, que debe estar entre aquellas nieblas de rumor ». Trad., [Grenade, automne 1921], Correspondance, I, op. cit., p. 1002.

    11 A Melchor Fernández Almagro, (3), [Granada, ¿ primera semana de noviembre, 1921 ?], Epistolario, op. cit., p. 131. Trad. [Grenade, automne 1921] Correspondance, I, op. cit., p. 1004.

    12 Federico García Lorca, Romancero gitano, IV, « Romancero sonambulo », A Gloria Giner y Fernando de los Rios, OCI, op. cit., p. 400-403. Trad. Romancero gitano, IV, « Romance somnambule », A Gloria Giner et Fernando de los Rios, La Pléiade, I, op. cit., p. 421-424.

    13 « Appendices des “Suites” », Notes et variantes, I, op. cit., p. 1347. Dans l’édition espagnole, « Casi-elegia », Otrospoemas sueltos, OCI, op. cit., p. 1083.

    14 Méditations et allégories de l’eau, En marge des Suites, Pléiade, I, op. cit., p. 306-308. Le second texte fragmentaire occupe les pages 307-308. Meditacionesy alegorias delagua, OCI, op. cit, p. 881-883.

    15 Meditaciones y alegorías, op. cit, p. 883. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    16 Ibid, trad. ibid.

    17 A Melchor Fernandez Almagro (7), Epistolario, op. cit., p. 155. Dans cette page conservée, il s’agirait en ce sens peut-être d’un bref essai relatif à ce « chapitre » prévu par Garcia Lorca, dans le cadre de la création de son grand Poème. Trad. correspondance, [Grenade, août 1921], op. cit., I, p. 1003.

    18 Meditaciones y alegorías, op. cit, p. 883. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    19 Idem, p. 882. Francisco Garcia Lorca dit “amarillento” » in Federico y su mundo, Mario Hernandez, alianza tres, Alianza Editorial, Madrid, 1980, 1981, 1990, p. 170. Dans la traduction française de la Pléiade, on lit : « a une forte saveur jaune paille », id., p. 307.

    20 Vassili Kandinsky, Du spirituel dans l’art, Paris, 1954.

    21 Meditaciones y alegorias, op. cit., p. 882. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    22 La cigale se fait le symbole du couple complémentaire lumière-obscurité, par l’alternance de son silence dans la nuit et de ses stridulations dans la chaleur du soleil.

    23 Meditaciones y alegorías, op. cit., p. 882. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    24 Ibid., trad. ibid. En ce qui concerne le « vert », « l’aquarium » de ces lignes est certainement à mettre en relation avec d’autres phrases extraites de certaines lettres de la même époque, dans lesquelles il est souvent question de la Grenade aquatique.

    25 A Melchor Fernández Almagro (7), Epistolario, op. cit., p. 155. Trad. Correspondance, [Grenade, août 1921], op. cit., p. 1003.

    26 Sans doute faut-il remarquer ici l’alliance du « jaune » et du « bleu » donnant le vert, dans laquelle le lecteur voit que « l’air » de la Véga est fait de transparence, de vibration accumulées, comme le fait à son tour très souvent le correspondant : chemin, peut-être en direction d’un infini où le réel se transforme en imaginaire, le « bleu de la nuit estivale » ayant insensiblement remplacé la lumière du jour (rêverie plus ou moins consciente et assimilation peut-être aux nuits bleutées de Shiraz dont il est question dans la conférence sur le « Chant primitif andalou, appelé “cante jondo” »).

    27 « Meditaciones y alegorías del agua », op. cit., p. 882. Méditations et allégories…, op. cit., p. 308.

    28 Cf. Georges Rodenbach, Les vies encloses, (Fasquelles édit.), « L’œil est un glauque Aquarium », du recueil Le Voyage dans les yeux, 1893 et 1896.

    29 Romancero gitano, IV, « Romance sonambulo », A Gloria Giner y Fernando de los Rios, OCI, op. cit., p. 400-403. Romance gitan, IV, « Romance somnambule », op. cit., p. 421-424.

    30 Meditaciones y alegorías, op. cit., ibid. Méditations et allégories., op. cit., ibid.

    31 Ibid. trad. ibid.

    32 Meditaciones y alegorías, op. cit., p. 883. Méditations et allégories., op. cit., p. 308. Le frère du poète explique quant à lui certaines de ces reprises d’images, in Federico y su mundo, « Primeros escritos de Federico », op. cit., p. 173.

    33 « Ajo de agónica plata/la luna menguante pone/caballeras amarillas/a las amarillas torres », cite Francisco García Lorca, op. cit., p. 173.

    34 En marge du « poème du cante jondo », La Pléiade, I, op.cit., p. 168.

     

     

     

    La guitare de F. García Lorca

     

    Le piano et la guitare furent les inséparables compagnons de vie de Frederico.
    Voici deux poèmes dédiés à la guitare: pleurs et sanglots, images...reflets d'une époque.
     
    El piano y la guitarra fueron los inseparables compañeros de vida de Federico.
    Aquí dos poemas dedicados a la guitarra: llantos y sollozos, imágenes...reflejos de una época.

     

     

    Las seis cuerdas, F, García Lorca

    La guitarra
    hace llorar a los sueños.
    El sollozo de las almas
    perdidas
    se escapa por su boca
    redonda.
    Y como la tarántula,
    teje una gran estrella
    para cazar suspiros,
    que flotan en su negro
    aljibe de madera.

    1924

     

     

     

    Les six cordes

      

    La guitare
    fait pleurer les songes.
    Le sanglot des âmes
    perdues
    s'échappe par sa bouche
    ronde.

    Et comme la tarentule,
    elle tisse une grande étoile
    pour chasser les soupirs
    qui flottent dans sa noire
    citerne en bois.

    (Federico Garcia Lorca, Poème du Cante jondo.
    Poésies 1921-1927)

     

    (trad: Colette)

     

     

     

     

    Dessins de Lorca

     

     

     

    La guitarra

    Empieza el llanto
    de la guitarra.
    Se rompen las copas de la madrugada.
    Empieza el llanto de la guitarra.


    Es inútil callarla.
    Es imposible callarla.
    Llora monótona
    como llora el agua,
    como llora el viento
    sobre la nevada.
    Es imposible callarla.
    Llora por cosas
    lejanas.
    Arena del Sur caliente
    que pide camelias blancas.
    Llora flecha sin blanco,
    la tarde sin mañana,
    y el primer pájaro muerto
    sobre la rama.
    !Oh guitarra!
    Corazón malherido
    por cinco espadas. 

     

     

     Celui-ci me fait sourire...este me hace sonreir

     

     

    La guitare, Federico García Lorca




    Commence la plainte
    de la guitare.
    Les cimes de l'aube se brisent.
    Commence la plainte de la guitare. 
     
    Inutile de la faire taire.
    Impossible de la faire taire.
    Plainte monotone,
    comme le pleur de l'eau,
    comme le pleur du vent
    sur la neige.
    Impossible de la faire taire.
    Elle pleure sur des choses
    lointaines.
    Sable du Sud brûlant
    qui désire de blancs camélias.
    Elle pleure la flèche sans but,
    le soir sans lendemain,
    et le premier oiseau mort
    sur la branche.
    O guitare !
    Coeur transpercé
    par cinq épées.



    (Poème du cante jondo)Trad: Colette

    Un site qui explique la relation de Lorca avec la guitare

    26/08/2013

    Silences III / Silencios III

     Regarder par terre...Mirar al suelo



    Le silence F. García Lorca

    Écoute, mon fils, le silence.
    C'est un silence ondulé,
    un silence,
    où glissent vallées et échos
    et qui incline les fronts
    vers le sol.
     
    (Trad: Colette)
     
    El silencio  F.García Lorca
     
    Oye, hijo mío, el silencio.
    Es un silencio ondulado,
    un silencio,
    donde resbalan valles y ecos
    y que inclina las frentes
    hacia el suelo. 
     
     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :